Douze Horizons, d'ERIKM, est une composition instantanée, oscillant entre performance sonore et création radiophonique « horspel ».
Elle a été créée dans le cadre d’une commande d’Avatar, centre d'artistes en art audio et électronique, situé à Québec, Canada. Ce CD est une archive de la première performance qui a eu lieu à Méduse en octobre 2021 à Québec.

Les questions de la paléoécologie et de paléoclimatologie sont convoquées ici, de la période postglaciaire et de la mer de Goldthwait jusqu’à nos jours. Elle a été imaginée dans son organisation temporelle, comme une superposition de strates subjectives se nourrissant de matériaux sonores prélevés dans l’est du Québec, au Nitassinan.
Les échantillons sont intégrés dans la matrice du dispositif électronique Idiosyncrasie, « lutherie informatique », et agencés empiriquement.

Le Nitassinan est le territoire ancestral du peuple Innu qui comprend la péninsule du Quebec-Labrador, à la côte nord du fleuve Saint-Laurent et qui s’étend jusqu’à la toundra de la baie d’Ungava.
Les commentaires sont de Michelle Garneau de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et de Pierre Grondin du ministère des Forêts de la Faune et des Parcs (Mffp). Ils ont été enregistrés en aout 2016 sur l'Archipel-de-Mingan.
La genèse du projet Douze Horizons consistait en une résidence de recherche à Avatar avec à la clef deux concerts à Québec et Montréal pour le festival Québec Musiques Parallèles.

Chronologiquement, il s’agit de glaner sur le terrain diverses phonographies, puis d’entamer un travail d’écoute et de dérushage afin de créer des échantillons et de pouvoir organiser des bibliothèques. L’enjeu fut de pouvoir réaliser un montage libre sur scène en étant attentif à la trame narrative. Cette trame a été préalablement organisée en une kyrielle de signifiants. Ces multiples échantillons de voix ont été joués chronologiquement tel un flux en corrélation avec la plasticité et l’agencement des sons de terrains. De plus, l’ensemble de ces matériaux sont la matrice des sons électroniques créés en temps réels.

Les photos du recueil de Douze Horizons sont issues des voyages d'ERIKM au Québec entre 2005 et 2021. Il s’agit d’un témoignage des paysages actuels, d’empreintes et d’érosions qu'il a relevées tout le long de la route 138, jusqu’a sa finitude.
Ces horizons sont le résultat de la mer postglaciaire de Goldthwait puis de Champlain. Deux mers qui ont submergé successivement les côtes du Saint-Laurent en aval de Québec et les basses-terres du golfe du Saint-Laurent entre -15 500 et -8 000 ans avant notre ère. Une grande partie des terres étaient alors submergées sous des mètres d’eau. Ottawa était sous 100 mètres d’eau, Rimouski sous 140 mètres et à l’époque de la mer de Champlain, Montréal était sous 90 mètres d’eau par rapport au niveau actuel.

L'intention d'ERIKM, qu’elle soit sonore ou visuelle est d’intriquer temporellement des objets et des paysages contemporains avec des scènes et des environnements jadis submergés, puis progressivement libérés des eaux.
La série de photos s’inscrit dans une dialectique ou une disjonction, de ce qui est visible
aujourd’hui, et de ce qui existait potentiellement dans la même zone. La partie sonore est une stratification et/ou un tuilage de sons en mouvement issus d’un monde marin de surface ou subaquatique. Nous pouvons y entendre des souffles de cétacés, de
Bélougas qui communiquent, ou le son issu d’un rorqual échoué en putréfaction. Ceux-ci superposés sous forme de calques, à une activité forestière avec ou sans bruit anthropique, ou le vent sévissant dans la toundra.
Tous ces matériaux sonores sont traversés par des sons électroniques issus d’algorithmes se nourrissant des échantillons de terrains, empreints du vivant.
Ces archives sonores contemporaines, enchevêtrées avec un discours didactique de deux scientifiques, nous plongent vers différentes périodes de ces territoires au travers d’une description des douze paysages actuels.

Douze Horizons n’aurait jamais pu exister sans l’amitié et l’engagement d’Éric Normand de Tour de Bras ainsi que de Myriam Lambert d’Avatar. L'artiste remercie Fabrice Dieudonné.